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petit journal de la ville
15 juin 2012

Aujourd'hui, va savoir pourquoi, une multitude

Aujourd'hui, va savoir pourquoi, une multitude d'images se percutent dans ma tête. D'abord, il fait chaud et ma journée de travail est bien remplie. Alors que je nettoie une chambre à risques (dans le jargon BMR), en face de moi, ma patiente préférée m'observe tout en regardant sa télé. Il y a toujours, un patient préféré. Ce n'est pas forcément celui des autres. C'est toi, qui sans raison apparente ou peut-être les atomes crochus comme on dit, c'est toi donc qui as établi une relation humaine donc particulière avec une autre personne. Nos patients restent en moyenne deux à trois mois avec nous, parfois plus ou moins ...  (décès évidemment). Cela crée des liens... des habitudes... réconfortantes.

Je me souviens de cette dame, dépossédée d'elle-même, réfractaire et déjantée. Elle tirait les cartes, était sale et portait autour du cou le trousseau de clés de sa maison. Elle me tirait les cartes... se rétractait devant mon jeu minable... Elle s'en alla pour une maison de retraite, vaincue par la réalité. Son jeu de 32 cartes était enroulé comme un trésor, les bactéries se régalaient... Je lui offrais un jeu tout neuf pour sa nouvelle vie... Elle apprécia et moi aussi.

Donc, ma patiente préférée va me quitter pour gagner un an ou deux... Elle recommence à marcher, elle qui n'y croyait plus. Oui, bon, elle ne marche pas  toute seule mais elle se déplace un peu avec son déambulateur jusqu'aux toilettes...... Elle fait attention à moi. J'étais très pressée car toute seule et le sol ne voulait pas sécher. J'avais branché un ventilateur dans la chambre... En face, ma patiente préférée avait suivi mon manège et m'interpella : « Vous pouvez prendre celui-là ». Elle parlait d'une voix si faible que je lui demandais de répéter. Je compris qu'elle s'adressait à moi et la remerciais. D'habitude, ils ne font attention qu'à eux-mêmes, quand ils s'intéressent à nous, c'est qu'ils sont prêts, prêts à partir...

Voilà, mais c'est aussi comme ça tous les jours. On ne fait pas attention à ceux qui sont là pour nous, on trouve ça normal d'être aimé. Et puis, un jour, on nous laisse et on nous quitte... Eh oui, on fait le mariolle, repu d'indépendance, de fierté et d'arrogance... Tout à coup, des images nous envahissent, des sensations, des impressions... on a l'air vraiment con ! Peut-être, à l'instar de ma patiente préférée du moment qu'il ne me reste qu'un an ou deux... Merde alors, aurai-je le temps, de dire tout mon amour à ceux qui ont compté pour moi ?

C'est dingue quand même,  se que peut révéler ce métier de « merde »...

 

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